KASTEL’ACTU – IMMOBILIER-CONSTRUCTION-ASSURANCES – Jurisprudence Février / Mars 2024

KASTEL’ACTU – IMMOBILIER-CONSTRUCTION-ASSURANCES – Jurisprudence Février / Mars 2024

I – CONSTRUCTION

  • VEFA : le délai d’action d’un an contre le vendeur ne s’applique pas aux désordres qu’il s’est engagé à réparer

 Cass.civ 3ème, 1er février 2024, n°22-23.716 : Le vendeur d’immeuble à construire ne peut être déchargé ni avant la réception ni après l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession des vices de construction (délai de forclusion de l’article 1648 alinéa 2 du Code civil); cette action, qui doit être exercée dans le délai d’un an, ne s’applique pas aux désordres apparents que le vendeur s’est engagé à réparer.

 

  • VEFA : La responsabilité du vendeur d’immeuble à construire et dommages intermédiaires

Cass.civ 3ème, 15 février 2024, n°21-22.457 : la responsabilité du vendeur d’immeuble à construire ne peut être engagée sur le fondement de la garantie des dommages intermédiaires qu’en cas de faute prouvée

Voir en ce sens également :

Cass.civ 3ème, 6 octobre 2010, n° 09-66.521

Cass.civ 3ème, 13 février 2013, n° 11-28.376 : le seul manquement du vendeur d’immeuble à construire à son obligation de remettre à l’acquéreur un ouvrage exempt de vices ne suffit pas à caractériser une faute de nature à engager sa responsabilité sur le fondement de la garantie des dommages intermédiaires

 

  • Atteinte à la sécurité des personnes : désordre de nature décennale

Cass.civ 3ème, 15 février 2024, n°22-23.179 : le fait qu’un interrupteur soit installé sur une gaine technique dans le séjour annulant l’effet coupe-feu constitue un désordre de nature décennale puisqu’il engendre un risque pour la sécurité des personnes ce qui rend l’ouvrage impropre à sa destination

Tous les dommages consécutifs au désordre de nature décennal doivent être réparés en application du principe de réparation intégrale y compris le préjudice de jouissance.

 

  • Obligation de caractériser l’acceptation délibérée des risques par le maître d’ouvrage, cause exonératoire de responsabilité des constructeurs

Cass.civ 3ème, 15 février 2024, n°22-23.682 : Le fait que les maîtres d’ouvrage n’aient pas suivi les conseils de l’architecte quant à la réalisation d’une étude de sol n’est pas exonératoire de responsabilité. Il aurait fallu que les juges du fond caractérisent l’acceptation délibérée des risques par le maître d’ouvrage.

Cet arrêt est l’occasion de rappeler plusieurs principes juridiques :

  • La responsabilité décennale des constructeurs est une responsabilité sans faute qui repose sur une présomption de faute des constructeurs dès lors que le maître d’ouvrage rapporte la preuve d’un dommage de nature décennale (atteinte à la solidité de l’ouvrage ou impropriété à destination) qui soit imputable aux travaux réalisés par le constructeur ;
  • Le constructeur ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère qui peut consister dans l’acceptation délibéré des risques par le maître d’ouvrage ;
  • L’acceptation délibérée des risques par le maître d’ouvrage est strictement appréciée par les juridictions et doit être caractérisée par le locateur d’ouvrage à défaut de quoi il ne renverse pas la présomption de responsabilité

 

  • Condamnation in solidum des constructeurs responsables

Cass.civ 3ème, 15 février 2024, n°22-18.672 : Les différents intervenants à l’acte de construire ne peuvent être condamnés in solidum à réparer le préjudice de maître de l’ouvrage que si, par leurs fautes respectives, ils ont contribué de manière indissociable à la survenance d’un même dommage.

La Cour d’appel de RENNES (arrêt du 5 mai 2022) avait retenu la condamnation in solidum des constructeurs au motif qu’ « Outre les malfaçons imputables aux travaux de gros oeuvre réalisés par M. [W], les deux autres constructeurs dont les travaux sont eux-mêmes affectés de défauts d’exécution importants, ont réalisé les prestations qui leur étaient confiées sur des supports affectés de défauts et manquements aux règles de l’art grossiers qu’ils étaient en mesure de relever. Il en déduit que les constructeurs ont ainsi contribué de manière indissociable à l’intégralité du dommage que subit Mme [G] à l’occasion de la réalisation des travaux et que les conditions d’application de la responsabilité in solidum sont réunies. »

La Cour de cassation casse l’arrêt considérant qu’il ne pouvait pas y avoir de condamnation in solidum des constructeurs dans la mesure où la CA de RENNES avait retenu « que les fautes de M. [W] justifiaient seules les déconstructions importantes d’éléments de structure de la maison, ce dont il résultait que celles des autres constructeurs n’avaient pas contribué de manière indissociable à la survenance de l’entier dommage »

 

  • Etendue de l’obligation de réparation du constructeur

Cass.civ 3ème, 15 février 2024, n°22-23.179 : tous les dommages, matériels et immatériels, consécutifs aux désordres de nature décennal affectant l’ouvrage, doivent être réparés par le constructeur en application du principe du droit à réparation intégrale.

Voir en ce sens :

Cass.civ 3ème du 7 septembre 2022, n°21-16.746 : un acquéreur auquel a été transmise l’action en garantie décennale est en droit d’obtenir la réparation intégrale du préjudice causé par les dommages de nature décennale quel que soit le prix de cession.

Cass.civ 3ème, 13 juillet 2022, n°21-13.567 : Le préjudice économique de jouissance consécutif au dommage décennal doit être réparé sur le fondement décennal

Attention toutefois le dommage immatériel ne relève pas de l’assurance décennale obligatoire (voir en ce sens : cass.civ 3ème du 5/03/2020 n°18-15.164).

 

  • Réception partielle par lot

CA de RENNES, 22 février 2024, RG n°22/04059 : les travaux de charpente peuvent faire l’objet d’une réception dès lors qu’ils constituent un ensemble cohérent, qu’ils ont été  intégralement payés et qu’aucun grief n’a été adressé par les maitres d’ouvrage au charpentier.

Aux termes de sa motivation, la 4ème chambre civile de la Cour d’Appel de RENNES rappelle quelques principes en matière de réception des travaux :

  • Le paiement de l’intégralité des travaux d’un lot et sa prise de possession par le maître de l’ouvrage valent présomption de réception tacite (3e Civ., 30 janvier 2019, n°18-10.699) avec ou sans réserve.
  • La réception partielle d’un ouvrage, notamment par lots (3e Civ., 21 juin 2011, n°10-20.216) est possible même si les différents lots sont confiés au même entrepreneur par un marché unique (3e Civ., 5 novembre 2020, n°19-10.724).
  • Il est admis de réceptionner des tranches de travaux indépendantes qui forment un ensemble cohérent (3e Civ., 16 mars 2022, n°20-16.829).
  • Il est également constant que l’achèvement de la totalité de l’ouvrage n’est pas une condition de la prise de possession d’un lot et de sa réception.

 

  • Clause de conciliation préalable et fin de non-recevoir

Cass.civ 3ème, 7 mars 2024, n°21-22.372 : La clause de conciliation préalable stipulée dans le contrat d’architecte produit ses effets et caractérise une fin de non-recevoir si elle n’est pas mise en œuvre ; sauf lorsque l’action est initiée sur le fondement de la responsabilité civile décennale.

 Il est jugé depuis un arrêt de la chambre mixte de la Cour de cassation (Ch. mixte, 14 février 2003, pourvois n° 00-19.423, 00-19.424) que le moyen tiré du défaut de mise en œuvre de la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir.

Depuis un arrêt rendu dans la même formation solennelle (Ch. mixte., 12 décembre 2014, pourvoi n° 13-19.684), la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en œuvre d’une clause contractuelle qui institue une procédure, obligatoire et préalable à la saisine du juge, favorisant une solution du litige par le recours à un tiers, n’est pas susceptible d’être régularisée par la mise en œuvre de la clause en cours d’instance.

Voir également en ce sens :

Cass.civ 3ème, 29 mai 2019, n°18-15.286

Cass.civ 3ème, 23 mai 2007, n°06-15.668

 

  • Sous-traitance et obligation du maître d’ouvrage

Cass.civ 3ème du 7 mars 2024, n°22-23.309 : En application des articles 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 et 1382, devenu 1240, du code civil, le maître de l’ouvrage, qui omet d’exiger de l’entrepreneur principal qu’il justifie, sauf délégation de paiement, de la fourniture d’une caution, prive le sous-traitant du bénéfice d’une garantie lui assurant le complet paiement du solde de ses travaux.

Le préjudice réparable est alors égal à la différence entre les sommes que le sous-traitant aurait dû recevoir si une délégation de paiement lui avait été consentie ou si un établissement financier avait cautionné son marché et celles effectivement reçues.

L’indemnisation accordée au sous-traitant est donc déterminée par rapport aux sommes restant dues par l’entrepreneur principal au sous-traitant, peu important que les travaux aient été acceptés par le maître de l’ouvrage dès lors qu’ils avaient été confiés au sous-traitant pour l’exécution du marché principal.

 

  • Fin des quasi-ouvrages : REVIREMENT DE JURISPRUDENCE

Cass.civ 3ème, 21 mars 2024, n°22-18.694 : Les dysfonctionnements affectant des éléments d’équipement dissociables et qui ne constituant pas un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil relèvent exclusivement de la responsabilité contractuelle de droit commun et cela quel que soit l’importance de ces dysfonctionnements.

« Vu les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 du code civil :

6. Aux termes du premier de ces textes, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

7. Aux termes du deuxième, la présomption de responsabilité établie par l’article 1792 s’étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d’équipement d’un bâtiment, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert. Un élément d’équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l’un des ouvrages lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s’effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage.

8. Aux termes du troisième, les autres éléments d’équipement de l’ouvrage font l’objet d’une garantie de bon fonctionnement d’une durée minimale de deux ans à compter de sa réception.

9. Alors qu’il était jugé antérieurement, en application de ces textes, que l’impropriété à destination de l’ouvrage, provoquée par les dysfonctionnements d’un élément d’équipement adjoint à la construction existante, ne relevait pas de la garantie décennale des constructeurs, la Cour de cassation juge, depuis l’année 2017, que les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination

(3e Civ., 15 juin 2017, pourvoi n° 16-19.640; 3e Civ., 14 septembre 2017, pourvoi n° 16-17.323).

10. Elle a, également, écarté l’application de l’article L. 243-1-1, II, du code des assurances, selon lequel les obligations d’assurance des constructeurs ne sont pas applicables aux ouvrages existants avant l’ouverture du chantier, à l’exception de ceux qui, totalement incorporés dans l’ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles, lorsque les désordres affectant l’élément d’équipement installé sur existant rendaient l’ouvrage, dans son ensemble, impropre à sa destination

 (3e Civ., 26 octobre 2017, pourvoi n° 16-18.120).

11. Ce revirement de jurisprudence poursuivait, en premier lieu, un objectif de simplification en ne distinguant plus selon que l’élément d’équipement était d’origine ou seulement adjoint à l’existant, lorsque les dommages l’affectant rendaient l’ouvrage en lui-même impropre à sa destination.

12. Il visait, en second lieu, à assurer une meilleure protection des maîtres de l’ouvrage, réalisant plus fréquemment des travaux de rénovation ou d’amélioration de l’habitat existant.

13. Ces objectifs n’ont, toutefois, pas été atteints.

14. D’une part, la Cour de cassation a été conduite à préciser la portée de ces règles. Ainsi, il a été jugé que les désordres affectant un élément d’équipement adjoint à l’existant et rendant l’ouvrage impropre à sa destination ne relevaient de la responsabilité décennale des constructeurs que lorsqu’ils trouvaient leur siège dans un élément d’équipement au sens de l’article 1792-3 du code civil, c’est-à-dire un élément destiné à fonctionner (3e Civ., 13 juillet 2022, pourvoi n° 19-20.231).

15. La distinction ainsi établie a abouti à multiplier les qualifications attachées aux éléments d’équipement et les régimes de responsabilité qui leur sont applicables, au risque d’exclure des garanties légales du constructeur les dommages causés par les éléments d’équipement d’origine.

16. D’autre part, il ressort des consultations entreprises auprès de plusieurs acteurs du secteur (France assureurs, Fédération nationale des travaux publics, Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, Fédération française du bâtiment, Institut national de la consommation) que les installateurs d’éléments d’équipement susceptibles de relever de la garantie décennale ne souscrivent pas plus qu’auparavant à l’assurance obligatoire des constructeurs.

17. La jurisprudence initiée en 2017 ne s’est donc pas traduite par une protection accrue des maîtres de l’ouvrage ou une meilleure indemnisation que celle dont ils pouvaient déjà bénéficier au titre d’autres garanties d’assurance.

18. C’est pourquoi il apparaît nécessaire de renoncer à cette jurisprudence et de juger que, si les éléments d’équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun, non soumise à l’assurance obligatoire des constructeurs.

19. La jurisprudence nouvelle s’applique à l’instance en cours, dès lors qu’elle ne porte pas d’atteinte disproportionnée à la sécurité juridique ni au droit d’accès au juge.

20. Pour condamner in solidum la société L’Univers de la cheminée et la société Axa sur le fondement de la garantie décennale, l’arrêt énonce que les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination, puis retient que le désordre affectant l’insert de cheminée a causé un incendie ayant intégralement détruit l’habitation.

21. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

 

II – ASSURANCES-CONSTRUCTION

 

  • L’action directe du tiers contre l’assureur du responsable : condition de mise en œuvre

Cass.civ 3ème, 1er février 2024 : La recevabilité de l’action contre l’assureur n’est pas subordonnée à la mise en cause de l’assuré.

Voir en ce sens :

Cass.civ 3ème du 11 mai 2022, n°21-12.478 :

Cass. civ. 3, 15 mai 2002, n° 00-18.541,

Cass. civ. 1, 7 novembre 2000, n° 97-22.582

 

Petit rappel sur la prescription de l’action directe contre l’assureur du responsable : Cass.civ 3ème, 14 septembre 2023 : L’action du tiers victime contre l’assureur peut être exercée tant que celui-ci est encore exposé au recours de son assuré.

L’action de la victime contre l’assureur de responsabilité, qui obéit, en principe, au même délai de prescription que son action contre le responsable, ne peut être exercée contre l’assureur au-delà de ce délai que tant que celui-ci est encore exposé au recours de son assuré.

 

  • Obligation de garantie de l’assureur condamné in solidum avec son assuré

Cass.civ 3ème, 15 février 2024, n°21-22.457 : En application des dispositions des articles L.113-5 et L.124-3 du Code des assurances, l’assureur de responsabilité, condamné au titre de l’action directe, in solidum avec son assuré, au profit du tiers victime, doit sa garantie à l’assuré dès lors que le risque couvert par le contrat s’est réalisé.

 

  • Réticence ou fausse déclaration intentionnelle de l’assuré : condition de mise en œuvre pour une non-garantie

Cass.civ 2ème, 15 février 2024, n°22-16.257 : l’assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré pour échapper à son obligation de garantie que si celles-ci procèdent des réponses que l’assuré a apportées à ses questions ou si elles ont été faites par ce dernier de sa seule initiative.

En l’espèce, la société Les berges de la Mer, qui exploite un bâtiment à usage de restaurant, recherchait la garantie de son assureur ALLIANZ IARD au titre des dégradations commises lors des intrusions dans son bâtiment vide.

ALLIANZ IARD avait opposé un refus de garantie considérant que son assuré aurait dû lui déclarer le fait que son local était vide dans la mesure où cela avait une incidence sur l’appréciation des risques.

La Cour d’Appel de Paris avait fait droit à la non-garantie d’ALLIANZ IARD.

La Cour de cassation casse l’arrêt au motif « qu’en se déterminant ainsi, sans constater que lors de la conclusion du contrat, la société Allianz IARD avait posé des questions à l’assurée relatives à l’occupation des lieux loués, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

 

  • Faute de l’expert amiable dans l’instruction du dossier

Cass.civ 3ème, 15 février 2024, n°22-12.365 : Si l’assureur engage sa responsabilité contractuelle en raison d’un défaut de diligence dans l’instruction d’un dossier, il dispose d’un recours contre l’expert amiable s’il manque à sa mission, tout comme le tiers victime.

 La faute de l’expert amiable s’apprécie par rapport à la mission qui lui a été confiée.

 Dans cet arrêt, la CA de RENNES a retenu la responsabilité délictuelle de l’expert amiable missionné par l’assureurs des tiers victimes (la toiture et la charpente de leur maison se sont arrachés lors d’une tempête) au titre de l’aggravation des désordres d’infiltrations considérant que cet expert avait fait preuve d’inertie dans l’instruction du dossier en refusant de valider le devis des travaux de reprise de la charpente et en empêchant ainsi la réalisation des travaux permettant de faire cesser les infiltrations à l’intérieur de la maison.

La Cour de cassation casse cet arrêt considérant qu’il ne pouvait être reproché aucune faute à l’expert amiable dans l’exercice de sa mission à l’origine de l’aggravation du sinistre dès lors qu’ « il ressortait de ses propres constatations que l’assureur n’avait pas réagi à la réception du premier rapport de l’expert amiable relatant les vaines démarches des assurés pour empêcher les infiltrations et qu’il ne lui avait pas donné, à la date de son second rapport, sa position sur le principe de sa garantie ».

 

  • Exclusion de garantie ou condition de garantie : précisions sur l’application des garanties dans les dispositions diverses : pas une condition de la garantie

Cass.civ 3ème, 7 mars 2024, n°22-17.200 et 22-21.745 : la mention suivant laquelle « les recommandations du BET sols pour la création, du parking devront être prises en compte notamment au niveau de l’étanchéité et des sous-pressions », figurant parmi des dispositions diverses faisant suite aux exclusions de garantie, ne subordonne pas l’application de la garantie au respect des recommandations du bureau d’études techniques de sols.

Pour rappel :

Cass.civ 3ème du 1er mars 2023, n°21-23.375 : Les conditions particulières qui stipulent que l’activité comprend l’intégration de panneaux photovoltaïques en limitant les installations concernées à une surface maximum de 60 m² ne constituent pas une exclusion mais une limitation de garantie.

En l’espèce, les conditions particulières d’une police couvrant la responsabilité civile d’une entreprise intervenue en sous-traitance comporte une clause aux termes de laquelle l’activité comprend l’intégration de panneaux photovoltaïques en couverture, les branchements électriques ainsi que le raccordement au réseau public. La stipulation précise que les installations concernées sont limitées à des surfaces maximums de 60 m². En l’espèce, l’assuré réalise une centrale supérieure à 60 m². Des désordres se produisent qui sont déclarés à l’assureur qui oppose une non-garantie.

La Cour de cassation confirme l’arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix en Provence ayant rejeté le recours contre l’assureur du sous-traitant poseur soulignant que la clause en question ne constitue pas une exclusion de garantie mais une précision sur la définition de l’objet du risque assuré et qu’elle participe donc de la condition de garantie.

Les limites entre exclusions de garantie et condition de la garantie deviennent floues.

L’exclusion de garantie se définit comme la clause par laquelle l’assureur, lorsqu’il définit l’objet de sa garantie, manifeste sa volonté d’écarter de celle-ci certains événements ou certains types de dommages. Ces exclusions de garanties sont licites à la condition d’être formelles et limitées (L.113-1 du Code des assurances).

La condition de garantie est différente puisque l’assureur fait dépendre l’octroi de sa garantie à la réalisation de certaines conditions préalables. Ces conditions de garantie relèvent de la liberté contractuelle. Ainsi, nonobstant le caractère obligatoire de la couverture d’assurance, les parties au contrat d’assurance peuvent librement conditionner le déclenchement des garanties.

La qualification d’exclusion ou de condition de garantie relève du pouvoir souverain des juges du fond.

 

  • Prescription de l’action récursoire d’un responsable contre l’assureur d’un co-responsable

 Cass.civ 3ème, 7 mars 2024, n°22-20.555 : L’action récursoire d’un responsable contre l’assureur de responsabilité d’un co-responsable se prescrit selon les mêmes règles que celles applicables à l’action récursoire contre cet autre responsable. En conséquence, l’action récursoire de l’assureur d’un constructeur, subrogé dans les droits de son assuré, contre l’assureur d’un autre constructeur n’est pas prescrite tant que le délai prévu à l’article 2224 du code civil n’est pas expiré, peu important que l’assureur ainsi recherché ne soit plus exposé au recours de son assuré, en raison de l’expiration de la prescription biennale de l’article L. 114-1 du code des assurances.

 

  • Faute dolosive

Cass.civ 2ème, 14 mars 2024, n°22-18.426 : Selon l’article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances , l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré. La faute dolosive s’entend d’un acte délibéré de l’assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables, et ne se confond pas avec la conscience du risque d’occasionner le dommage.

 

 

Béatrice BOBET

                                                                                         Avocat associé KASTEL Avocats (AARPI)

Spécialiste en droit immobilier

                                                                              Qualification spécifique en droit de la construction

 

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