Rappels sur les incidences de la demande en justice dans une instance en référé-expertise

Rappels sur les incidences de la demande en justice dans une instance en référé-expertise

(Cass.civ 3ème du 8 février 2023 n°21-25.244 et 21-14.708)

Par deux arrêts rendus le 8 février 2023, la troisième chambre civile de la Cour de cassation revient sur deux principes juridiques constants:

1 – Faire valoir une créance au stade des opérations d’expertise judiciaire n’est pas interruptive de prescription, cette créance étant invoquée en dehors de toute instance et ne pouvant dès lors pas être considérée comme une demande en justice.

Au visa de l’article 2241 du Code civile, la Haute juridiction rappelle que « seule une initiative du créancier de l’obligation peut interrompre la prescription et lui seul peut revendiquer l’effet interruptif de son action et en tirer profit « .

Par conséquent, le fait pour une société assigné en référé-expertise et faire valoir une créance lors des opérations d’expertise ne constitue pas une demande en justice et n’interrompt donc pas la prescription de son action en paiement au titre de cette créance.

La cour de cassation censure donc l’arrêt de la Cour d’Appel ayant rejeté le moyen de prescription de l’action en paiement de la société aux motifs :

  • D’une part, que la demande en référé avait été formée par le maître de l’ouvrage qui pouvait seul se prévaloir de la prescription à l’encontre de l’entrepreneur

  • D’autre part, la revendication, par la société P. Essique, d’une créance devant l’expert judiciaire n’avait pu interrompre la prescription de sa demande en paiement, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

CONSEILS POUR LES DEFENDEURS A UNE MESURE D’EXPERTISE JUDICIAIRE : si vous êtes titulaire d’une créance à l’encontre du demandeur à la mesure d’expertise judiciaire ou de toute autre partie, veillez à interrompre la prescription de votre action en présentant une demande contre la personne que vous voulez empêcher de prescrire. Si cette personne n’est pas représentée il conviendra alors de lui faire délivrer une assignation conformément aux dispositions de l’article 68 du Code de procédure civile.

2- Une assignation n’interrompt la prescription que pour les désordres qui y sont mentionnés

Au visa de l’ancien article 2244 du Code civil devenu 2241 du même code, la Haute juridiction souligne qu’ « une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu’on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir. »

Partant de ce principe, la troisième chambre de la Cour rappelle qu’ « une assignation en justice ne peut interrompre la prescription qu’en ce qui concerne le droit que son auteur entend exercer. Elle ne peut, dès lors, interrompre la prescription de l’action en réparation de désordres qui n’y sont pas mentionnés. ».

L’expertise judiciaire ne peut dès lors porter que sur les désordres visés à l’assignation en référé-expertise laquelle n’interrompt les délais de prescription que pour ces désordres.

CONSEIL POUR LES DEMANDEURS A UNE EXPERTISE JUDICIAIRE : Veiller à bien balayer dans l’assignation en référé-expertise l’ensemble des désordres pour lesquels l’expertise judiciaire est sollicitée.

L’expertise judiciaire ne devant pas aboutir à pallier la carence du demandeur dans l’administration de la preuve des désordres, celui-ci doit rapporter un commencement de preuve de l’existence des désordres (constat d’huissier, rapport d’expertise amiable).

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